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Le fief dit « de La Haye »
- origines connues -
seigneur et censiers successifs

Tenu de la seigneurie de Roubaix à 10 livres de relief et à justice vicomtière, le fief de « La Haye » comprenait, en 1401, 33 bonniers et demi et des rentes dues par 3 tenants. Quatre hommages en relevaient. En 1621, elle comprenait parmi lieu manoir, motte, maison de plaisance, basse-cour, granges, jardins, prés, bosquets, fossés, eaux et terres à labour, 36 bonniers 8 cents avec lamoitié du Triez de le Pétoire, le fossé de Leuvry et les terres du Castel. Il semble résulter de ces derniers mots que dans le cour du 15ème siècle, quand la maison de La Haye fut tombée en quenouille et que ses successeurs n'habitèrent plus d'une manière permanente le vieux Castel de La Haye, les terres réservées jusque là au manoir seigneurial furent utilisées dans l'exploitation du fief.

Audit fief appartenaient en rentes : 14 rasières 1 havot de froment, 14 rasières 2 havots d'avoine, 10 chapons, 2 poules, le tout à la mesure de Roubaix et à la priserie de l'espier de Lille. Lui appartenaient encore 32 sous dont 12 étaient dus à l'église de Roubaix pour obit des seigneurs de La Haye, et enfin l'exercice de la justice vicomtière avec bailli, lieutenant, hommes de fief et juges cottiers.

La seigneurie de La Haye a donné son nom à une famille noble du pays, portant d'azur à l'écusson d'argent accompagné en chef de trois étoiles d'or à 6 raies, et de laquelle étaient originaires les plus anciens gentilshommes connus qui aient pris le titre derois des Timaux. On appelait Timaux les plaids d'une juridiction particulière aux francs-alleux de la châtellenie de Lille. Bien que de leur nature les alleux fussent libres de toute obligation d'aide et conseil et par conséquent du service de plaids, il fallait néanmoins accomplir pour eux les actes juridiques sans lesquels les aliénations, donations, transmissions ne peuvent se réaliser d'une manière complète. Les possesseurs de ces terres, pairs entre eux, étaient donc intéressés tous et comme solidairement à siéger comme échevins aux plaids tenus spécialement pour elles trois fois l'an, et à y accomplir publiquement les œuvres de loi. Etaient échevins des Timaux tous les propriétaires d'alleux pourvu qu'ils fussent chevaliers. L'un d'eux avait la prééminence sur ses pairs et cette prééminence, décorée du titre de royauté, était rattachée, comme prérogative héréditaire, à la première des cinq pairies tenues du châtelain de Lille, c'est à dire à la possession du fief de Fâches qui était ainsi le royaume des Timaux.

Le Royaume des Timaux et les seigneurs de La Haye à Roubaix (par Th. Leuridan, 1892) ont fait l'objet d'un travail spécial inséré dans les Mémoires de la société d'émulation de Roubaix dont sont extraites les quelques notes ci-après.

En mars 1245 (v.st.),
Jean de La Haye est au nombre des chevaliers flamands qui promettent de reconnaître pour leur seigneur celui des enfants de la comtesse Marguerite qui serait désigné par le roi de France et le légat. Les descendants de ce Jean de La Haye sont qualifiés rois des Timaux au siècle suivant : c'est d'abord Pierre de La Haye, chevalier, qui régnait en 1324 (Mgr. Hautecoeur, Cartulaire de l'Abbaye de Flines, CCCCXXV); c'est Jean de La Haye qui figure comme roi des Timaux dans les actes de 1338 à 1348, portant les mêmes armes que son prédécesseurs (Demav, Sceaux de la Flandre, n° 2762 et 2764); c'est un autre Jean de La Haye qui fit, en mars 1373, le rapport et dénombrement du royaume des Timaux.

A la fin du 18ème siècle, l'on voyait encore dans l'église de Roubaix un monument funèbre avec cette épitaphe : « 
Chy gist Willaume, sire de La Haye, chevalier, roy des Timaux, qui trespassa l'an 14.. ». Après lui le roi des Timaux fut Nicolas de La Haye dont la fille et unique héritière, Catherine, dame de La Haye, donna sa main et son trône à Jean Le Monnoyer, dit de Hérimez, écuyer, qui portait de sable au lion d'or armé et lampassé de gueules.

Les Le Monnoyer se succédèrent à la seigneurie de La Haye et sur le trône des Timaux durant 7 ou 8 générations. Au 16ème siècle,
Charles Le Monnoyer, dit de Hérimez, laissa la seigneurie et le royaume à sa nièce Jeanne Le Prévost de Basserode, épouse de Jean de Hénin-Liétard, seigneur de Cuvillier. Jeanne Le Prévost mourut en 1584. Son fils Louis de Hénin-Liétard vendit le royaume des Timaux qui fut revendiqué à tite de retrait lignager par sa sœur que la loi salique n'excluait pas du trône. Il vendit aussi l'antique domaine de ses ancêtres de ce beau fief, le transmit à sa fille Jeanne Deliot, épouse d'Adrien de Fourmestraux et dame de La Haye en 1621 (AC.Roubaix AA.2). De Fourmestraux portait d'or à une aigle à deux têtes de gueules.

En 1706, les héritiers de
Ernest-Charles-André de Haynin, décédé le 4 mai de cette même année, relevaient la seigneurie de La Haye et celle de Beaurieu. « A notre fief de La Haye appartiennent, disent-ils, sang et larron, biens épaves, avoir de bâtard, afforage, tonlieu et toute justice de vicomte. Nous devons au seigneur de Roubaix 10 livres de relief à la mort de l'héritier, le dixième denier à la vente, don ou transport et service en cour comme les autres féodaux dudit seigneur. ».

En 1520, on travaillait à l'agrandissement de l'église de Roubaix; la tour qui porte le millésime 1471 avait été bâtie en retrait de l'ancien clocher et il s'agissait sans doute de la relier à la nef pour la construction de deux arcades nouvelles. A cette occasion, comme toujours, les censiers assumèrent une grande part de l'entreprise. Parmi ceux qui « 
ont esté quérir pières à Lesenes pour l'église de Roubaix », figure le censier de La Haye et ce fut de tous celui qui fit le plus de voyages (1).

En 1578, la cense de La Haye se composait des terres de quatre fiefs voisins : La Haye, Beaurieu et deux fiefs innommés de moindre importance, l'un sur le chemin de Roubaix à Hem, l'autre sur le chemin des Hucquets à Croix.

En 1596, dans une taille assise pour fournir aux dépenses occasionnées par les gens de guerre, le censier de La Haye,
Jean Castel, est imposé à 157 livres 10 sous; un seul habitant, Pierre du Hamel, est taxé à une somme supérieure (2). En 1633, la belle cense de La Haye comprenait 45 bonniers dont 36 à Roubaix et 9 sur Croix et Hem.

La cense de La Haye est le berceau de la famille Castel de Roubaix qui comptait encore des représentants à la fin du 19ème siècle. Peu de familles ont fourni autant d'échevins que celle-ci à l'ancienne administration de la ville; l'on peut en compter au moins 12 dans les deux siècles précédents (17 et 18ème). Elle a aussi fourni cinq grands connétables à la confrérie des arbalétriers.

La famille Castel était l'alliée des Lezy, des de Lespaul, des Dujardin et, comme eux, n'était pas sans velléités d'imiter quelque peu la noblesse. La veuve du médecin Castel, demoiselle Claire de Lespaul, avait sous Louis XIV des armoiries qu'elle fit enregistrer à l'armorial de France. Les descendants des Castel, comme ceux des Dujardin rappellent encore avec une certaine complaisance que leur bisaïeule, Marie-Anne Lezy, était l'héritière de la seigneurie de Louvincamp, venant de son frère, Jean-Baptiste Lezy, mort bourgeois à Paris.

Jean Castel, 1er du nom, censier de La Haye,  échevin de Roubaix de 1605 à 1632, avait épousé avant 1595 Marguerite Lezy, fille d'Antoine, dont il avait eu, entre autres enfants, Jean (qui suit) et Adrien Castel qui lui succéda à la cense de La Haye.

Jean Castel, 2ème du nom, baptisé le 12 mai 1604, ayant pour parrain André de Fourmestraux, gendre de Guillaume Deliot, seigneur de La Haye, et pour marraine Antoinette Deliot, fut échevin de Roubaix de 1652 à 1667, et père, par Gillette de Le Becque, de Martin Castel, médecin et receveur du Marquisat de Roubaix, époux de Claire de Lespaul qui portait d'azur à une fasce d'argent, chargée d'une fleur de lys de gueules.

Adrien Castel, fils cadet de Jean 1er et de Marguerite Lezy, baptisé le 27 juin 1610, avait eu pour marraine Antoinette Dragon, petite-fille de Guillaume Deliot, seigneur de La Haye. Censier de La Haye après son père, Adrien Castel fut aussi fermier de la dime féodale. En 1671, il refusait, comme plusieurs autres censiers, de payer la dime des colzas et navettes que le chapitre de Tournai et le pasteur de Roubaix prétendaient cueillir sur cette paroisse. Un procès s'en suivit devant la Gouvernance de Lille.

Les opposants produisirent aux débats un certificat constatant que les censiers d'Ascq, qui ont soutenu une action semblable contre leur pasteur et l'abbaye de Cysoing, n'ont à payer la dime des colzas ni à l'abbaye ni au pasteur. Le Magistrat de Roubaix déclare qu'en donnant la main aux censiers pour s'opposer aux prétentions de leur pasteur et du chapitre de Tournai, il n'entend nullement comprendre au débat la dime que le marquis de Roubaix ou les fermiers de la dime féodale lèvent sur les colzas.

Les répliques du chapitre se résument ainsi : au mois de février de l'an 1236, Jean, Seigneur de Roubaix, vendit au chapitre de Tournai la meilleure partie de sa dime, s'en réservant seulement une portion vulgairement appelée dime féodale et levée sur les censes de Beaurewart, de la Grande-Vigne, de la Petite-Vigne, de la Brasserie, du Moulin de Roubaix, de La Haye, de la Bourde, de le Vigne, du Fontenoy, de la Mousserie, de Maufait, de la Haverie, de Courcelles, de la Pontenerie et sur plusieurs terres éparses; - le pasteur de Roubaix lève aussi la centième gerbe par toute la paroisse -. Quant aux vives dimes, elles appartiennent par moitié au chapitre et au pasteur; le dernier pasteur,
Maître Jean Prus, les a toujours paisiblement perçues depuis le mois de juin 1637, époque où il est entré en possession de sa cure; le chapitre en a également joui jusqu'au refus, opposé par Adrien Castel, censier de La Haye et fermier de la dime féodale, sous prétexte qu'elles appartenaient au seigneur de Roubaix privativement au chapitre.

Bref, le chapitre de Tournai prouve par de nombreuses attestations que la dime des colzas s'est toujours perçue à Roubaix; les censiers établissement le contraire par d'aussi nombreuses attestations. L'arrêt de la Gouvernance manque au dossier, mais il résulte d'un document du procès soutenu, en 1726, par les censiers au sujet de la dime de veaures et agneaux, ou dime du sang, que la dime des colzas s'est levée à Roubaix depuis cette époque
(3).

Échevin de Roubaix de 1653 à 1682, Adrien Castel mourut en 1686, grand connétable de la compagnie des arbalétriers. C'était une compagnie quelque peu aristocratique que celle des arbalétriers; on n'y rencontre que des noms appartenant aux notabilités, aux échevins, aux notaires, aux médecins, aux manufacturiers. Cette compagnie « 
nommée de plaisance en l'honneur de monsieur Saint-Georges », avait eu pour fondateur en 1491 Pierre, seigneur de Roubaix, chevalier qui fit élever pour l'usage des arbalétriers et des archers de la chapelle Saint-Georges et Saint-Sébastien, dotée de reliquaires, de joyaux, de livres et de tout ce qui est nécessaire au service divin (4).

Les arbalétriers tenaient aussi des libéralités de ce seigneur quelques revenus et un hôtel qui a donné son nom à la rue Saint-Georges.

Les descendants d'Adrien Castel se portèrent vers l'industrie et le commerce; ils s'allièrent aux
familles Roussel, Bulteau, de Le Becque, Prouvost, Destombes. Comme négociants et manufacturiers, les Castel acquirent une notoriété dont nos archives ont conservé la mémoire. Ils ouvrirent, dans la nouveauté, la voie que leurs successeurs, et surtout Alexandre Decresme, devaient parcourir avec éclat un peu plus tard. Louis-Joseph Castel se disait, en 1778, l'inventeur d'une variété nouvelle de calmande large et mouchetée qui portait son nom, la castelline. On connaît la curieuse requête adressée par lui aux baillis des quatres seigneurs hauts justiciers de la châtellenie de Lille, leur demandant, en récompense des efforts qu'il avait fait pour stimuler la fabrique de Roubaix, l'exemption de tous droits d'octroi sur le vin, la bière et l'eau-de-vie de sa consommation.

C'était l'aïeul du sieur Joseph Castel, l'Homme-bleu, bien connu en son époque
(5).

(1) AC Roubaix GG84 pièce n°2
(2) AC Roubaix CC1 n°4
(3) AC Roubaix CC179
(4) Epitaphe de Pierre de Roubaix
(5) Voir : Notices sur les personnages qui doivent être représentés par des statues ou bustes à l'Ecole Nationale des Arts Industriels de Roubaix, par Théodore Leuridan et l'abbé Vassart, page 23 et suivantes.

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