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Quelques apports nouveaux à son histoire

Après la parution, en 1985 dans le magazine « Plein Nord » (n° 108 et 109 de décembre 1984 et janvier 1985, tirés à part en 1985) de l'étude d'Alain Plateaux sur l'histoire de l'église Saint-Martin de Roubaix, de nouveaux éléments sont venus apporter de nouvelles connaissances sur cet édifice.

Il y eut d'abord la découverte fortuite d'un plan levé en 1843 par l'architecte Dewarlez (
document trouvé par Madame Maylis Jeanson), puis des travaux de terrassement dans l'église pour établir un nouveau mode de chauffage, et enfin, quelques pièces d'archives relatives à la reconstruction ont été retrouvées (les archives paroissiales de Saint-Martin ont malheureusement presque entièrement disparues).

Le plan de 1843

Égaré dans un dossier, ce plan est daté du 10 juin 1843 et signé par Achille Dewarlez, architecte de la Ville et auteur de nombreux édifices. À Roubaix, où il exerce jusqu'en 1871, il donnera les dessins des églises Notre-Dame (1847) et Saint-François (1857), pour ne citer que cela. Ce relevé est, à quelques détails près, parfaitement exact et donne l'état de l'église avant sa transformation. Ce document est précieux car un autre plan, dressé en 1850 et reproduit par Leuridan, donne de cet édifice une version totalement erronée, ce qui pose bon nombre de questions car son auteur, Charles Leroy, a dirigé toute la transformation de Saint-Martin à partir de 1850…

Ce plan porte une mention ouvrant des perspectives de recherches. En effet, sous la signature de l'architecte, on peut lire ceci :   « 8ème feuille des dessins annexés au projet du 12 août 1843 » et c'est contresigné « AD ».

Cela laisse donc entendre qu'il est déjà question d'agrandir Saint-Martin, et le plan dit bien qu'elle est la seule église qui se trouve en cette ville.

Effectivement, on voit tracé au crayon des lignes qui laissent présager l'augmentation de la surface utile par de nouvelles nefs ajoutées au vaisseau existant. Leroy, quelques années plus tard, va reprendre cette idée et la concrétiser. Mais il est évident qu'il serait intéressant de retrouver ce premier projet établi par Dewarlez. De même, pourquoi fut-il évincé par son jeune confrère lorsqu'il s'est agit de mettre en œuvre ces idées ?

Le plan de l'église réalisé en 1843 par Achille Dewarlez Le plan de l'église réalisé en 1850 par Charles Leroy Le plan de l'église réalisé de 1977 à 1989 par Alain Plateaux

1843
Le plan d'Achille DEWARLEZ

1977-1989
Le plan reconstitué d'Alain PLATEAUX

1850
Le plan de Charles LEROY

En attendant, ce plan-ci donne la situation exacte du porche et de ses annexes avant les travaux. Nous savons combien cette partie de l'église pose de questions, aussi, en apportant ce témoignage, le dessin de Dewarlez lève déjà quelques ambiguïtés. Rappelons rapidement les données du problème : la tour de Saint-Martin était construite en avant des nefs de l'église, comme bon nombre de clochers de cette région. Or, sa particularité est de comporter des arcades latérales. Il ne s'agit pas d'un porche ouvert comme à Solre-le-Château, car ici le portail se trouve avant ces arcades et non après. Autrement dit, une fois franchie la porte on se serait trouvé à nouveau à l'air libre, ce qui est parfaitement impossible. Donc les maîtres d'œuvre qui élevèrent cette construction envisageaient de les faire communiquer avec des annexes de grande dimension étant donné la taille de ces ouvertures latérales.

Comme Leroy ne fait pas figurer ces arcades sur son plan en 1850, on pouvait imaginer qu'elles avaient été ouvertes sur son ordre. Cela paraissait difficile à admettre, étant donné la façon dont sont construites ces arcades et la manière dont celle du Sud se rattache à la tourelle de l'escalier du clocher. Le plan de 1843 donne une première réponse : le porche était alors comme il est aujourd'hui, sauf que les arcades latérales sont obstruées et que des annexes sont logées entre la tour et les pignons des nefs latérales. Si les murs de base de la tour ont 1,50 mètre d'épaisseur, les maçonneries qui ferment les arcades n'ont pas plus de 0,40 mètre et elles se placent dans l'axe des piédroits. Donc, nous sommes en présence d'une disposition ayant connu une modification de parti architectural.

Décrivons ce que Dewarlez a relevé. À droite, en entrant, il y a un local où se trouve l'escalier de la tour. Celui-ci est mal représenté et une autre main a corrigé au crayon cette erreur. Mais on voit que déjà on ne se servait plus de la porte placée sur la face Est de la tourelle, mais d'un accès repercé sur le côté Sud, comme aujourd'hui encore. Devant cette tourelle et blottie entre les contreforts méridionaux, une autre petite salle, accessible depuis le porche, sert de débarras. En face, les salles sont plus vastes. Vers l'Est, et bordant la rue qui sert de contour à l'église, il y a une pièce servant de dépôt de chaises et de civières. Un pan coupé a été ménagé pour ne pas rétrécir exagérément le passage. Contre le pignon Nord, il y a les fonts baptismaux que l'on atteint par la nef latérale à travers une ouverture assez large et qui est peut-être une arcade. Remarquons de suite que le mur qui prolonge celui de la nef est aussi épais que ce dernier et semble en être le prolongement, tandis que celui en retour est beaucoup moins important. Ces dispositions ne sont nullement en rapport avec le porche lui-même, ce qui confirme que l'on a arrangé les abords de la tour avec des moyens plus simples que ceux probablement envisagés.

Détail du plan d'Achille Dewarlez montant le porche et ses abords

Entrée principale

Malheureusement pour nous, les deux dessins qui représentent l'extérieur de l'église avant 1850 ne font pas figurer ces annexes. Beghin, en 1844, montre toute la face Sud sans bien dessiner la base de la tour que l'on ne voit qu'imparfaitement. La lithographie de Reboux, montrant l'ensemble vu du Sud-Ouest, ignore tout ce qui se trouve dans les angles rentrants entre la tour et l'église même… Plus encore, le pignon Sud-Ouest est entièrement dégagé et ne comporte pas la fenêtre que le plan de Dewarlez signale dans son axe. Comme les cadastres donnent le même tracé que celui donné par l'architecte, force est de reconnaître que nos dessinateurs n'ont montré que ce qui leur paraissait favorable… Un dessin est subjectif; il faudra attendre la photographie pour avoir des vues fidèles… Hélas, Saint-Martin est totalement transformée avant la vulgarisation de cette invention (tout au contraire pourrait-on imaginer qu'un amateur ait pu prendre un daguerréotype* ((cliquez ici pour connaître la signification de ce terme)) de l'église aux alentours de 1840 ?).

À la lumière de ce que nous venons de dire, on peut être maintenant certains que les belles arcades qui s'ouvrent dans les flancs latéraux de la tour Saint-Martin appartiennent à la conception originelle de cette construction. Mais il est évident qu'un changement de parti a été rendu nécessaire et que ces arcades sont devenues gênantes puisque s'ouvrant dans le vide. On peut maintenant imaginer deux possibilités qui tentent d'apporter une solution à cet état.

- La première consiste à imaginer que les ailes bordant la tour aient été antérieures à celle-ci, comme à Tourcoing (
cf. Alain Plateaux : « Histoire de l'église Saint-Christophe de Tourcoing, chroniques tourquennoises » tome 1 - 1981 - pages 27 et 28 et de 40 à 44). Elles prolongent peut-être même les murs retrouvés cet été de 1989 et dont il sera question ensuite. Mais l'incendie de 1663 qui ravage tout le clocher cause éventuellement leur ruine et elles ne sont pas rétablies. Les dispositions relevées par Dewarlez seraient donc des pis-aller effectués en fin du XVIIème siècle, sauf le local des chaises que l'on sait être une ajoute de 1824.

- La seconde hypothèse serait d'imaginer qu'en même temps que l'on édifiait la tour, il était prévu de prolonger les nefs latérales vers l'Ouest afin d'encore agrandir l'église. Ceci aurait en quelque sorte anticipé le dessin du XIXème siècle, du moins partiellement. Mais, déjà contraints d'abandonner l'édification des étages supérieurs (
cf. « Plein Nord » n° 108 page 28. Redisons encore une fois que la date inscrite sur la tourelle n'est pas 1471 mais 1571), les Roubaisiens ont peut-être aussi renoncé à agrandir les nefs. Les cloisons fermant alors les arcades devenues inutiles seraient, en ce cas, de la seconde moitié du XVIème siècle (la tour a pu rester assez longtemps inachevée, ce qui pourrait expliquer le laps de temps fort long entre le début des travaux vers 1511 et la fin du travail de maçonnerie en 1571. Il se peut aussi que le début des travaux de la tour soit plus récent.). Si le relevé de Dewarlez est tout à fait digne de confiance, le mur que nous avons remarqué sur le flanc Nord des fonts baptismaux serait l'amorce probable de cet allongement.