Le Musée d'Art et d'Industrie de Roubaix
Le Quai de Gand à Roubaix

Du quai de Gand
à la rue des Champs...

C'est ici que l'on apprenait à nager à partir de 1880 à Roubaix.

Aménagés pour l'occasion face à la rue Meyerbeer, deux bassins à ciel ouverts fonctionnaient de manière épisodique. L'un était gratuit, l'autre payant.

Les installations se dégradèrent au fil du temps et on les supprima définitivement en 1936.

Dix ans pour entrer
dans le domaine des réalités

Piscine de la rue des Champs à Roubaix

C'est très exactement lors de la séance du Conseil municipal du vendredi 16 juin 1922 que la piscine de la rue des Champs entra dans l'histoire roubaisienne. Dans « l'intérêt de la santé publique », le Conseil municipal approuve en effet le projet de construction de la piscine, l'acquisition des terrains nécessaires à sa réalisation et vote la demande de déclaration d'utilité publique. Le terrain enclavé entre la rue des Champs, du Grand Chemin et de l'Espérance, est d'une contenance de 2.981 mètres carrés et est acheté par la Ville sur un budget qui lui reste à inscrire au budget supplémentaire de 1922.

Ce n'est qu'en 1927, après des voyages d'études d'un certain nombre de piscines réputées, telles que celles de Bruxelles, Strasbourg, Paris et Nancy, et le vote d'un emprunt partiel en juin 1924, que les travaux démarrèrent réellement sous la conduite d'
Albert BAERT, architecte agréé de Lille.

Cinq ans plus tard, en 1932, la « plus belle piscine d'Europe », comme titre le Journal de Roubaix du lundi 3 septembre 1932, va s'ouvrir à Roubaix.

Inaugurée en grandes pompes le dimanche 2 octobre 1932 par
Jean-Baptiste LEBAS, Député-Maire de Roubaix, en présence du Préfet, du Député-Maire de Tourcoing et du Consul de Belgique, la piscine de la rue des Champs suscite chez les roubaisiens un véritable enthousiasme.

Des « milliers et milliers de visiteurs » se déplacèrent pour visiter l'établissement au cours des deux journées « portes-ouvertes » qui précédèrent l'inauguration, le dimanche 3 et le lundi 4 septembre 1932.

Le
Journal de Roubaix relate bien sûr avec force-détails l'événement. « Toute la journée, ce fut un va-et-vient ininterrompu de visiteurs. On admira l'élégance du porche d'entrée, on commenta la belle ordonnance du grand vestibule, le modernisme du café-restaurant, les lignes pures du futur jardin à la française. L'on s'extasia devant la piscine où viennent se mirer les deux grandes rosaces représentant l'une le matin, l'autre le coucher du soleil.
Les cabines-déshabilloirs furent soigneusement passées en revue, ainsi d'ailleurs que les bains-douches, si propres, si clairs, si nets. Les cabines pour hommes avec leurs baignoires creusées dans le sol firent jaillir des foules d'exclamations étonnées. Puis ce fut la salle de sudation chère aux obèses, les gradins où l'on pourra admirer les champions tirant leur coupe,
etc… ».

Les bains de la rue de Rome à Roubaix

Outre les bains de la rue de Rome, Roubaix comptait aussi des bains municipaux rue Pierre Motte. Lors des deux guerres mondiales, les Allemands s'en servirent pour emprisonner des centaines de personnes dans l'attente de les transférer dans les camps de travail et/ou de concentration.

600 baigneurs ont inauguré
la nouvelle piscine de Roubaix...

Les articles de presse parus dans le Journal de Roubaix ne tarissent pas d'éloge sur la piscine, « magnifique, claire, nette » et dont « ses harmonieuses proportions, son modernisme, son confort » furent « rarement égalés ». Dès son ouverture au public, le mardi 4 octobre 1932, « les amateurs se précipitaient déjà pour goûter aux premières joies de la natation ».
600 baigneurs sont recensés le premier jour, 500 le jour suivant. Les compliments et commentaires élogieux, tant sur le « 
bassin de natation et son eau tiède » que sur « la beauté de l'établissement qui se révèle dès le hall d'entrée » fusent de toute part. Et les visiteurs de s'extasier sur « les illuminations électriques » à « l'effet féerique », « car, outre les éclairages du fond même du bassin, ceux du pourtour avaient littéralement incendié les immenses vitraux des extrémités et les reflets des plus nuancés se jouaient dans l'eau ». Les services divers de l'établissement fonctionnèrent « à merveille » dès le premier jour et ce sous la houlette de Richard HALLARD, premier directeur des lieux.

La part belle à ces messieurs...

Le féminisme et ses luttes n'étant pas encore passé par là, l'établissement de bains de la rue des Champs fut ouvert sept jours sur sept pour les messieurs et ouvert uniquement les lundis et vendredis de 15 heures à 19 heures 30 pour les dames. La mixité étant un concept lui aussi inconnu à l'époque, ces messieurs acceptaient, sans doute de bonnes grâces, de se voir fermer la piscines aux deux seuls créneaux horaires où ces dames pouvaient en profiter.

Vue sur le jardin Anglais de la nouvelle piscine rue des Champs

Noyée sous les éloges,
et pourtant...

La presse ne s'en fit pas l'écho et les choses furent semble t-il bien passées sous silence. Pourtant, des documents officiels datés de 1937 et 1938 attestent bien de certaines « irrégularités » techniques de ce superbe bâtiment. L'association des industriels du Nord de la France, chargée de contrôler l'établissement, note dans un rapport d'août 1937 que rien n'est prévu contre l'incendie et recommande de disposer ici et là « quelques seaux remplis de sable sec et propre ou un extincteur approprié ». Les normes électriques quant à elles semblent aussi bien mal menées. Cette même association indique dans un autre rapport daté de janvier 1938 qu'il existe « des défectuosités dans les canalisations d'éclairage de la piscine » (tous les isolements d'éclairage du bassin sont défectueux), que les prises de terres sont non conformes et que « la majorité des locaux de l'établissement peuvent être considérés comme conducteurs ».
Tout ceci n'entame pas cependant l'engouement des roubaisiens pour leur piscine. Les dures années de la seconde guerre mondiale peuvent en témoigner...

Quant le mazout vint à manquer...

Dès la mobilisation, la piscine de la rue des Champs est fermée au public. Le mazout manquait (l'établissement consomma 705.000 tonnes de mazout en 1937) et, surtout, la piscine fut transformée en « poste de secours de défense passive », abri contre les bombardements. Pourtant, les roubaisiens se manifestent très rapidement pour la réouverture du bâtiment.

Dès janvier 1940, le
Journal de Roubaix se fait l'écho de très nombreuses lettres lui parvenant, lui demandant d'intervenir auprès des pouvoirs publics pour que la piscine municipale soit réouverte. « Nous faisons écho très volontiers à ces demandes qui nous paraissent très légitimes », écrit le Journal de Roubaix, « et nous voulons espérer que l'administration municipale ne manquera pas de les prendre en considération, la natation étant la base de l'éducation physique. N'a-t-elle pas été rendue obligatoire dans les écoles publiques et ne figure-t-elle pas parmi les épreuves du brevet de préparation militaire ? »

Deux jours plus tard, le 9 janvier 1940, c'est Jean-Baptiste Lebas lui-même, très surpris par ces réclamations, qui prend la plume dans le journal pour répondre aux roubaisiens. Et de leur rappeler que le principal poste de secours de défense passive (Roubaix en compte 6) « est installé dans l'établissement de bains et pour préciser sous le bassin de la piscine ».

« 
Ce poste de secours constitue un véritable hôpital souterrain permettant de soigner des personnes blessées ou gazées. Muni de portes étanches, une surpression peut être établie à l'intérieur pour le mettre complètement à l'abri des gaz de combat.

Galerie des machines : batterie de générateurs à vapeur fonctionnant au mazout
Galerie des machines : buanderie mécanique

Ce poste comprend, en outre, deux salles de chirurgie, deux salles de pharmacie, des salles de désinfection, des douches spéciales pour les gazés, des salles de soins, etc… Un matériel médical et pharmaceutique important y est installé permettant de parer à toute éventualité ». Et de conclure « il y a lieu de préciser que le service des baignoires est assuré normalement ». Celui-ci sera cependant réservé à partir de juin 1940 aux troupes allemandes.

La Piscine

Abri pour la population, la piscine de la rue des Champs fut aussi un des lieux stratégiques de la Résistance. L'anecdote raconte que des œuvres du Musée de Roubaix (ironie de l'histoire!) furent dissimulées, au nez et à la barbe des allemands, dans le bassin de la piscine, alors vidé de son eau et rempli de sable pour être correctement conservé. Il se dit aussi qu'un poste émetteur, en liaison avec Londres, était installé dans les sous-sols du bâtiment, sous-sol décidément très utiles...